p.1 23 FévrierMonsieur Monsieur Barye. 51 r. du cherche midi 1.6.1.4. Paris p.2 Naples18 fevrier 1842 Voilà bientôt dix huit mois, mon cher ami, que j'ai quitté la france, et je ne songe pas encore à revenir. Vous m'accusez sans doute de négligence et vous croyez peut être que je vous oublie ; mais vous avez tort : je pense bien souvent aux amis que j'ai laissés à Paris et la paresse m'empêche de leur écrire. pendant dix ans j'ai construit tant de phrases à contre coeur, j'ai donné si souvent mon avis quand j'aurais désiré me taire que j'éprouve aujourd'hui un véritable plaisir à voir beaucoup sans rien dire; et me semble que mes amis ne doivent pas le trouver si mauvais Mon esprit avait besoin de se reposer et de se renouveler par la lecture et les voyages ; ce besoin que je sentais depuis longtemps, j'ai pu enfin le satisfaire. depuis dix huit mois j'ai appris beaucoup, chaque jour j'augmente ma provision de souvenirs, et à mon retour je l'espère je trouverai dans ma mémoire de quoi écrire. Les peintures d'Herculanum, du Stabiae et de Pompeï, réunies au musée de Naples sont d'un puissant intérêt, malheureusement pour ceux qui ne sont pas venus ici, il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de s'en faire une idée par les gravures publiées. Ces gravures sont très généralement d'une grande infidélité. La grande collection publié tous les ans par le gouvernement napolitain est dirigé par des hommes qui veulent assigner les modèles qu'ils ont dans les yeux et qui réussissent très bien à les défigurer. C'est l'éternelle bêtise des traductions. dîtes moi ce que vous faîtes. la sainte que vous aviez commencé pour la madeleine est elle achevée? le marbre est il placé ? avez vous commencé quelque chose de nouveau - que deviennent vos projets de fonte? vos fourneaux sont ils construits et marchent ils bien? - avez vous assisté aux concerts donnés par le duc d'Orléans ? dîtes moi aussi ce que devient la gloire fabuleuse de Rachel etiez vous à la reprise du Cid ? comment avez vous trouvé Chimène ? je ne crois pas nécessaire de vous affirmer que je ne songe pas à me faire dominicain ; car sans doute vous n'ajoutez pas foi à toutes les sotties qu'on débite sur les  ... . –Je n'ai encore vu que Rome et Naples ; il me reste encore Pise, Sienne, Pérouse, Florence, Venise, Padoue, Milan, où très certainement je ne ferai pas un aussi long séjour. Donnez moi des nouvelles de Huet. où est-il ? Si vous le savez d'une façon précise, écrivez le moi. – J'espère que vous vous portez bien ainsi que votre fille. – Rappelez moi au souvenir de Decamps et de Merle(sic) si vous les voyez. – écrivez moi et répondez à toutes mes questions. Voici mon adresse. Naples Santa Lucia 28. T.a.v. Gustave Planche