Note de Michel-Pascal sur Antoine-Louis Barye du 8 septembre 1858

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8. 7bre 1858 portrait
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de Barye
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Je passe la soirée avec Barye .
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cet homme au premier abord n'a point ce qui
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decèle l'homme supérieur par son esprit et son
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talent, si ce n'était l'air de reserve et de
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distinction qui le ferait deviner, et bien que
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de sa personne il soit très simple, propre
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et soigné, sans recherche dans le costume.
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cependant en le regardant attentivement
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on reconnait que celui qui donne les grâces
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et ses talents a voulu laisser éclater au
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dehors ce qui brille au dedans.
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Sa parole nette, douce son expression ; positive
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indique le jugement qui pèse, celui qui a su
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apprécier toute chose sainement, ayant vu,
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appris et tout retenu, son oeuil clair brillant
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quand il exprime, donne de la force à sa
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diction, qui est lente, mesurée, incisive
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alors dans la sympathie qu'il tire ou dessine
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sur sa façe unie et fraiche comme celle d'un
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enfant. toute la largeur [de] ses idées, avec
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un mélange de tristesse résignée, de souffrances
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secrettes, de douleurs comprimées, mais
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revetus par ce beau vernis de constance
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qui domine l'adversité.
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quand il s'anime les ouvertures de son visage
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sont plus accentuées, ses phrases, syncopées
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et mordantes, sans fiel sont toujours
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accompagnées du geste de ses mains.
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quil passe autour du visage, ou l'une sur
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l'autre avec la délicatesse d'une femme
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soigneuse.
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ces mains sont remarquablement
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belles, du ton rosé le plus frais sans veine
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apparentes, sans rides, assez potelées, de la
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forme la plus pure, les ongles sont finement
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découpés, jai rarement vu d aussi belles
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mains chez ceux qui travaillent, elle sont
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d'une grande distinction, cest la plus
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particulièrement ou se revele toute la
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pensée de ce grand artiste.
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ce qui rend ses observation souvent brillantes
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c'est un fond de justice innasouvie, cette
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apretée que l'on lui reproche a jamais pu
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s'appliquer pour sa conduite dans les actes
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ni dans son talent car il donne dans ce quil
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produit le résultat de sa manière simple
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vigoureuse de sentire, cette véritée grandiose
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quil fait voir dans ses productions, se retrouvent
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dans ce quil dit.
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il fuit lintrigue, les flatteurs, le faux bruit
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les copistes, et les médiocritées, c'est un homme
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taillé pour les époques florissantes dans les
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arts, il se trouve à l'étroit dans ce temps
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de grattage, et de restauration,
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il n'a jamais été encouragé
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il na jamais eu de commande et n'a pas
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obtenu ce que sa vertu eut pu lui faire
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enfanter de beau.
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Ces hommes inintelligents qui donnent
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les traveaux de l'état n'ont pas compris
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que cet artiste est le sculpteur le plus
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fort de notre époque et par conséquent
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on devait lui offrir les plus beaux morceaux
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a faire.
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j'ai souvent recriminé contre cette injustice
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envers cet homme qui est le plus grand
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artiste de notre époque, ce qu'il [n'est]
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pas consideré comme tel. par ceux
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qui donnent les commandes.
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on dirait que les hommes d'une grande
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supériorité sont destinés a ne pas [etre]
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compris de leur vivants.
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et il y a même que la persécution les
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poursuit par linjustice, légoisme et
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la routine.
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ils meurent quelquefois sans avoir vecu autant
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que les médiocritées qui ne sont enviées de personne
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pauvre âme abreuvée d'amertume de sa vie
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mais celui devant qui rien ne passe
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et qui a dépose dans ces cours la grâce
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qu'il donne a ceux qui le respectent
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dans ses oeuvres, leur a réservé
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une félicitée plus durable par le
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triomphe de l'opinion, ils vivent
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plus longtemps dans la mémoire
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des hommes et laissent des oeuvres
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éternellement durable.
Michel Pascal no3