p.1 23 Juillet 1867.Mon cher Barye, Depuis quelques temps je suis tourmenté par une idée au sujet de laquelle je ne serais pas faché d'avoir votre opinion. Vous avez bravement fait votre bas relief équestre de l'Empereur et si je me rappelle bien, vous commencez actuellement sa mise à grandeur réelle. Dieu me garde d'y voir un défaut ou quoique ce soit que personnellement je pourrais discuter : j'en ai été très satisfait pour ma part et je reste encore sous cette impression. mais enfin c'est un portrait, ou si vous aimez mieux une représentation de l'Empereur, et si fantaisiste qu'elle soit, peut-être même parce que fantaisiste, elle prétera n'en doutez pas, à de nombreuses observations, comme elle préterait sans nul doute à des interprétations fort diverses. Une observation p.2 seulement est redoutable pour nous : c'est celle qui émanerait directement de l'Empereur et que pourrait lui suggérer une surprise, même agréable : jugez ce que serait l'observation, si la surprise cessait d'être heureuse. Nous serions exposés, moi, à des reproches de plusieurs sortes ; vous, mon cher Barye, à un insuccès, je ne dis pas auprès des artistes, mais certainement auprès du monde, auprès de ceux qui ne jugent que devant l'approbation du maître. Je me demande s'il est prudent de courir ces risques et je me réponds que non. L'Empereur a approuvé l'ensemble des façades ; il a approuvé l'idée consistant à mettre son bas-relief équestre, en bronze sur fond de marbre, au milieu du principal motif ; il a déterminé que le cheval s'avancerait vers les Tuileries et semblerait y conduire son cavalier. Tout cela est parfaitement acquis. mais ne pensez-vous pas, mon cher Barye, qu'il serait bon, qu'il serait naturel qu'il serait convenable que l'Empereur ait sous les yeux un dessin mieux arrêté que p.3 celui qui fut fait dans mon agence, un figuré exact, en un mot, de ce que vous projetez de faire. Si S. M. n'a pas d'observation à faire, tant mieux et vous continuez votre travail : s'il en présente au contraire, ou y fait droit. mais dans l'un ou l'autre cas, nous n'avons pas à redouter cette surprise dont je vous parlais plus haut, et, en admettant, par impossible, si vous voulez, que la statue ne rencontre pas auprès du public, vous avez dans la personne de l'Empr qui aurait au préalable approuvé, le meilleur des défenseurs. Voilà donc, mon cher Barye, en quoi consisterait ma proposition : je désiserais que Baldus fit une photographie du plâtre que vous m'avez fait voir et je serais bien aise de la soumettre à l'Empereur et de ne marcher plus avant qu'après son entière approbation : je ne crois pas qu'elle vous fasse défaut, mais enfin une certitude à ce sujet aurait bien son prix et éviterait certainement à nous deux bien des ennuis possibles, si nous négligions cette précaution non seulement élémentaire, mais aussi de la p.4 plus simple convenance. J'attends votre avis sur ces points que je vous soumets et je vous avoue que je serais très heureux qu'il fut conforme à celui que je vous exprime et que j'ai longuement et murement pesé. Si vous pensiez comme moi je prendrais votre jour et votre temps pour vous adresser Baldus et ce ne serait de ce coté qu'un trouble très léger. Recevez, mon cher Barye, l'assurance de mes sentiments les plus affectueux et les plus dévoués.H. Lefuel23 Juill. 67.